PGW 2016 – Entretien avec Jérôme Braune sur Dishonored 2

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PS4 XB1 PC

La Paris Games Week a été l'occasion pour NeoPF de rencontrer Jérôme Braune, game systems designer sur le très attendu Dishonored 2. Détendu, le développeur passé par Kalisto, Eden Games et Blossom Minds a évoqué avec nous son expérience au sein d'Arkane Studios, qu'il a rejoint en septembre 2013 pour travailler sur la suite de « Disho' ».

Dernière apparition publique pour Dishonored 2, lors de ce Paris Games Week 2016... Comment se sent-on maintenant, à quelques jours de la sortie du jeu ?

On se sent plutôt serein, en fait. On était plutôt bien stressé pour terminer le jeu, avec nos attentes qualitatives en vue de la sortie... Maintenant, tout est bon et on est hyper impatient que les joueurs mettent la main sur Dishonored 2.

Jusque-là, les preview hands-on étaient très bonnes de la part des joueurs donc on a vraiment envie qu'ils goûtent enfin au produit final. Je suis vraiment curieux d'aller sonder les joueurs venus sur le stand pour jouer à Disho', mais je pense que les retours devraient être tout aussi positifs.

Il se dit souvent qu'une suite est toujours plus difficile à développer que le premier épisode d'une nouvelle licence... Qu'en a-t-il été pour Dishonored 2 ?

Vu que l'on a changé de moteur et de technologie, on a dû à peu près tout refaire de zéro par rapport au premier. Cette partie-là aurait pu être derrière nous si nous étions restés sur la même génération...

Surtout, on a ajouté un deuxième personnage jouable et donc, un deuxième set de pouvoirs, des armes différentes, de nouveaux ennemis, de nouveaux gadgets... Cela a donc été bien plus difficile à boucler, mais aussi bien plus intéressant à développer.

« Sur Disho' 1 déjà, l'équipe avait fait en sorte que les personnages féminins soient assez éloignés des stéréotypes. »

Justement, comment est venue l'idée de permettre aux joueurs d'incarner Emily ?

C'était surtout une volonté d'avoir un « nouveau » visage et aussi, pour les joueurs du premier, une tête familière pour commencer le jeu, en plus de Corvo. Incarner l'héritière de l'impératrice assassinée, c'était pas mal comme background de départ, notamment sur le fait qu'elle doive désormais prendre le pouvoir. En plus, c'est un personnage féminin – ce qui est toujours chouette – qui forme un beau « combo » avec Corvo, un duo père-fille plutôt pas mal. En fait, on aurait pu difficilement faire une suite seulement avec Corvo.

Sur Disho' 1 déjà, l'équipe avait fait en sorte que les personnages féminins soient assez éloignés des stéréotypes. Pour la suite, cela a vraiment été à la base du développement de la personnalité d'Emily, de son background et de manière plus générale, sur tous les personnages féminins que l'on rencontre dans le jeu... Ce ne sont pas seulement des femmes ; ce sont avant tout des personnages avec de fortes personnalités.

Quels étaient les principaux axes de travail sur le gameplay de cette suite ?

Le leitmotiv pour la suite de Disho' était en quelque sorte de tout faire en mieux. Dans tous les domaines, il y a donc eu des améliorations. Au niveau de la locomotion du personnage notamment : c'est beaucoup plus fluide que dans le premier ; on a refait tous les mouvements, ajouté plein d'animations supplémentaires pour la body awareness (conscience du corps de l'avatar, NDLR.)... Tous les pouvoirs de Corvo, on les a améliorés.

On a aussi ajouté des fonctionnalités, comme le coup de pied pendant le Blink, par exemple. Et l'autre gros point a été de développer des nouveaux pouvoirs pour Emily, qui collent à sa personnalité et qui soient bien différents de ceux de Corvo. Voilà l'essentiel de notre travail de design sur la production de Dishonored 2. Mais notre dernier gros chantier a été l'amélioration de l'intelligence artificielle des ennemis, qu'on a vraiment poussé dans cet opus-là.

« Dishonored, c'est une synergie au sein-même de toutes les mécaniques de jeu, qui doivent toutes pouvoir fonctionner ensemble. »

Des environnements plus ouverts et plein de façons de les aborder, avec une multitude de pouvoirs... Concrètement, comment s'articule le développement d'un gameplay aussi riche ? Comment trouve-t-on le bon équilibre, la bonne recette ?

Je ne sais pas s'il y a vraiment une recette mais l'idée, pour nous, était d'abord de voir quels étaient les besoins en level design pour mettre en place les mécaniques : locomotion, stealth... Ensuite, à partir de ces bases-là, on essaye de s’accommoder des niveaux qui sont alors en gestation et de faire en sorte que « tout marche avec tout le monde » dans les mécaniques de gameplay, comme c'est la règle chez Arkane.

Ainsi, il y a une synergie au sein-même de toutes les mécaniques de jeu, qui doivent toutes pouvoir fonctionner ensemble. Un exemple, bien connu dans le premier Disho' : j'arrête le temps alors qu'un ennemi me tire dessus, puis je le possède pour le faire se déplacer devant la balle qu'il vient de tirer. C'est hyper dur à faire en game design, mais c'est aussi ce qui fait la force de Disho' car il y a finalement très peu de jeux qui proposent cela.

En tant que game systems designer, quelles ont été vos inspirations, références ?

Je n'ai pas été inspiré par d'autres jeux en particulier. Pour ma part, j'étais surtout guidé par les règles des jeux du genre « immersive simulation ». Mais chez Arkane, on essaye que tout soit assez unique et c'est aussi pourquoi Dishonored ne ressemble à aucun autre jeu.

Le premier Dishonored a inspiré de nombreuses vidéos d'assassinats inventifs ou de speedrun furieux, sur la toile... Les prouesses des joueurs ont-elles influencé le développement de sa suite ?

Cela n'a pas vraiment changé notre approche dans le développement. Mais, dès le début, on a eu en tête cette contrainte de faire que les pouvoirs se prêtent encore davantage au speedrun, en rendant le jeu le plus fluide possible. Normalement, avec tout ce que l'on a ajouté, on devrait voir des trucs encore plus fous qu'avec le premier...

Y a-t-il un pouvoir dont vous êtes le plus fier, que vous feriez sortir du lot ?

Honnêtement, non. Le plus important, comme je l'ai dit, c'est qu'ils puissent marcher tous ensemble. Un pouvoir que l'on pourrait penser faible au premier abord peut, en fait, s'avérer dévastateur s'il est bien combiné avec un autre pouvoir. Seul, le Domino n'aurait pas trop de saveur, par exemple. Mais quand on l'utilise avec un ou plusieurs autres pouvoirs, il devient très fun à jouer.

Enfin, peut-on vous tirer un mot sur les futurs projets d'Arkane ? Il se dit que vous vous intéressez à la réalité virtuelle...

Je ne peux rien dire sur nos futurs projets. Juste, sur la VR, c'est quelque chose qui a été un peu monté en épingle par la presse, alors que mon collègue a seulement dit qu'il trouvait la technologie intéressante. Ce n'était qu'une opinion personnelle ; cela ne va pas plus loin.

Ce que je pense, moi, de la VR ? C'est une technologie que je trouve intéressante mais j'insiste, cela ne veut pas dire que le prochain titre d'Arkane sera en réalité virtuelle...

Au terme de cet entretien, nous avons également pu poser nos mains sur Dishonored 2 et nous assurer que cette suite est bel et bien sur la bonne voie. La démo proposée au PGW 2016 prenait place dans le labyrinthique manoir de Jindosh, que l'on visitera a priori vers la moitié du jeu. Dans la peau d'Emily, nous avons vite retrouvé nos marques dans cette suite qui conserve les solides bases de gameplay de son aîné, mais avec un gain de fluidité nettement palpable dans les déplacements. Les pouvoirs et l'arsenal de l'héritière diffèrent subtilement de ceux de Corvo, sans pour autant dépayser totalement. Mais le plus spectaculaire était très certainement ce manoir, un véritable dédale où, d'un coup de levier, les murs coulissent pour ouvrir des passages vers des salles autrement inaccessibles. Un bijou de level design, qui donnait fortement envie de prendre son temps pour explorer les moindres recoins de ce bâtiment... Ce qui est plutôt bon signe, à quelques jours de la sortie du jeu.

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