Test Song of Horror

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PS4

Depuis sa création il y a plus d’un quart de siècle le genre survival-horror a connu de nombreuses évolutions - d’une prédominance de l’action à la foire aux jumpscares en vue intérieure - au point de faire regretter à certains puristes le bon vieux temps. Conscient qu’il avait une carte à jouer sur le segment de la nostalgie, le studio espagnol Protocol Games a d’abord sorti sur PC son aventure horrifique Song of Horror sous forme d’épisodes avant de la proposer en version complète sur PlayStation 4 et Xbox One depuis le 28 mai pour 39,99€.

La chute de la maison Usher

Tout commence alors que Daniel rentre tranquillement chez lui un vendredi soir pour un moment de détente bien mérité lorsque son patron, un éminent éditeur de bouquins, lui demande de rendre une dernière visite de courtoisie à Sebastian P. Husher, un célèbre écrivain de la boite. En employé modèle notre gars se rend sur place mais ne donne ensuite plus signe de vie trois jours durant. Inquiets, son boss et son ex-femme décident à leur tour de se rendre sur place pour découvrir de quoi il en retourne. Qui fera le déplacement ? Au joueur de le déterminer en sélectionnant un personnage parmi quatre disponibles au début de l’épisode 1 : le deux vus plus haut, l’homme à tout faire de la demeure de retour de week-end ou une employée d’une compagnie d’électricité un peu trop curieuse. Chaque héros d’un soir possède ses propres caractéristiques en vitesse, discrétion, force et sérénité ainsi qu’un totem personnel et son propre point de vue perceptible via des commentaires individualisés sur les descriptions des objets et des événements. De fait rien d’étonnant à ce que le domestique ait connaissance les lieux ou que l’électricienne comprenne davantage un puzzle basé sur des fusibles que les autres. Pourquoi autant de personnages jouables me direz-vous ? Tout simplement car à l’instar des adolescents de la série Obscur (PS2, 2004) les morts de nos héros sont permanentes, en tout cas dans le mode de difficulté par défaut. Derrière des noms d’auteurs célèbres – E.T.A Hoffman, M.R. James, Edgar Allan Poe et H.P Lovecraft – se cachent respectivement les niveaux de difficulté croissants avec des variables, dont la mort définitive qui disparaît dans le plus facile.

Le prélude dans la peau de Daniel donnait déjà le ton, Song of Horror revient aux fondamentaux du survival-horror à la troisième personne avec ses caméras fixes à travelling (façon Resident Evil : Code Veronica) et son gameplay tournant largement autour de l’exploration de lieux lugubres et de la résolution d’énigmes pas si évidentes. Nous redécouvrons l’angoisse de ne pas savoir ce qu’il y a juste devant nous ou en bas d’un escalier. Nous reprenons plaisir à voir les décors apparaître à la lueur de la flamme d’une bougie ou d’un faisceau d’une lampe torche orientable avec le stick droit. Nous flippons à nouveau devant l’apparition furtive d’une forme dans le dos de notre personnage. Des années de caméras à l’épaule et de vues intérieures ont fait naître un manque que quelques productions fauchées (Outbreak, Dawn of Fear) ont tenté de combler sans succès. Cette fois-ci l’efficacité est au rendez-vous grâce à une réalisation convaincante, à une musique d’ambiance immersive et à des sursauts réguliers plus subtils que la moyenne, provoqués par des scripts imprévisibles.


Pour autant le jeu évite de basculer dans l’action pure en bannissant les armes et les zombies génériques, remplacés ici par une entité surnaturelle connue sous le nom de « la présence » échappée d’une boite à musique et qui se manifeste progressivement. Au début ce ne sont que de simples sons (jouer au casque est indispensable) puis quelques déplacements d’objets pour finir par des ténèbres qui envahissent les pièces. Il ne reste alors que deux solutions pour s’en échapper : bloquer la porte en martelant le bouton Croix pour remplir une jauge de force et charger avec R2 ou se planquer dans le décor (dans une armoire ou sous une table) en calmant notre héros pour ne pas qu’il cède à la panique. La gestion de la peur est plutôt bien trouvée avec des battements de cœur qui se ressentent dans la manette, couplés à la pression simultanée des boutons L2 et R2 selon le rythme cardiaque. Si vous échouez l’obscurité vous prend et la victime sort de l’histoire. Au tour d’une autre bonne âme d’intervenir, qui pourra fort heureusement récupérer l’inventaire et les documents du volontaire précédent en revenant sur le lieu du crime. Une carte détaillée précise d’ailleurs les noms des pièces, les portes fermées, les énigmes, les planques et la sacoche en question pour éviter les allers-retours aussi inutiles que dangereux. Si vous épuisez votre quota de décès dans un épisode, vous devez le recommencer à zéro. Heureusement, si l’exploration des niveaux variés (grande bâtisse, magasin d'antiquités, abbaye décrépie, université, hôpital psychiatrique abandonné…) prend plus de trois heures la première fois, dès qu’on connaît les emplacements des objets clés et les résolutions de puzzle la seconde visite est bien plus rapide.

Alone in the Darkness

Historiquement le genre créé par Frédérick Raynal faisait la part belle à l’exploration d’une vieille demeure à la recherche d’objets comme dans un jeu d’aventure classique, l’ambiance flippante en plus. Song of Horror suit le même chemin avec énormément de fouille dans les décors, à cliquer sur le moindre petit point d’interaction pour obtenir un descriptif ou glaner un objet. Les énigmes, essentielles pour progresser, sont loin d’être limpides et en l’absence d’indice il arrive trop souvent qu’on s’en remette au hasard ou à la triche pure et simple en prenant la soluce. Entre celles ridicules des Resident Evil et celles-ci il doit y avoir un juste milieu. L’exploration n’est jamais une promenade de santé puisque les attaques des ténèbres, aléatoires, peuvent vous tomber dessus à chaque porte. Littéralement. Ainsi, quand une icône d’oreille apparaît sur l’une d’entre elles il est recommandé d’écouter ce qu’il y a derrière pour ne pas être happé par surprise en l’ouvrant. La première imprudence surprend et par la suite on fait plus attention pour ne pas perdre bêtement une chance de voir la fin de l’épisode. Inutile de vous attacher aux protagonistes pour autant car hormis Daniel les autres sont remplacés au début de chaque épisode. Il est d’ailleurs dommage de se plier en quatre afin de tenter de les sauver tous pour les voir ensuite disparaître au chapitre suivant. On imagine que les ramifications scénaristiques auraient été trop complexes à gérer et si Telltale nous a déjà fait le coup dans les Walking Dead on pardonnera à Protocol Games d’en faire autant mais c’est quand même triste de devoir abandonner quelqu’un avec qui on vient de passer un bon moment.

Vendu comme une série à suivre sur plusieurs mois lors de sa sortie initiale sur PC, le jeu porte encore les stigmates de son découpage épisodique sur consoles. Et, si nous n’avons plus besoin d’attendre pour enchaîner la trame entière, force est de constater que les chapitres sont inégaux, tant en termes de nombre de personnages proposés, qu’en durée de vie ou en intérêt. Les deux premiers épisodes se mènent tambour battant, mais on déplore une petite baisse de rythme sur le troisième pour repartir de plus belle sur le quatrième et enfin terminer sur une conclusion un peu précipitée avec le cinquième. Il faut dire aussi que l’alternance de personnages interchangeables – excepté Daniel dont la mort est systématiquement un Game Over – n’aide pas à s’immerger dans l’histoire comme on le devrait. Les cinématiques dessinées qui bornent chaque chapitre sont souvent trop courtes et peu étoffées pour nous raconter une grande histoire. Niveau gameplay l’ossature reste la même d’un épisode à l’autre avec plus ou moins de chair et des saveurs différentes comme de nouvelles façons de perdre ou de démarrer un niveau. Rien qui ne tranchera avec les habitudes rapidement prises.

Sans disposer d’un budget pharaonique la réalisation s’en sort avec les honneurs esthétiquement parlant. Les décors sont bien modélisés et détaillés, les effets de lumière sont réalistes et les portes s’ouvrent sans le moindre temps de chargement. En revanche les visages sont plutôt disgracieux, inexpressifs et les déplacements rigides n’aident pas à enchaîner des périodes de marche et de courses. Quelques bugs visuels, de collision, des scintillements et de l’aliasing sur les arêtes des meubles trahissent la modestie de la production sans pour autant être éliminatoire. Le soft se rattrape largement du côté de sa bande-son avec des doublages anglais professionnels, ses bonnes musiques d’ambiance et ses bruitages angoissants. Enfin, la durée de vie comprise entre quinze et dix-huit heures en additionnant tous les runs sur chaque niveau est dans la moyenne haute du genre, surtout pour un titre vendu à moins de quarante euros. Vous en aurez pour votre argent sans jamais vous lasser, et si ça devient le cas il suffira de stopper entre deux épisodes pour reprendre plus tard. C’est aussi ça l’avantage d’un tel découpage.

Notre verdict

On aime

  • Le retour de la caméra fixe
  • Surtout de l’exploration et de la réflexion
  • Quelques bons moments d’angoisse
  • Tous les épisodes d’un coup
  • Des environnements variés
  • L’excellente ambiance
  • Les 16 personnages
  • La mort permanente

On n'aime pas

  • Les héros ne suivent pas les épisodes
  • Les visages inexpressifs
  • Les animations rigides
  • Quelques bugs
  • Les épisodes inégaux
  • Devoir tricher sur les énigmes

Sans prétendre à devenir une des licences phares du genre, Song of Horror redonne au survival-horror à l’ancienne ses lettres de noblesse en abandonnant les affrontements pour se recentrer sur l’exploration et la résolution d’énigmes qui faisaient en partie le sel du pionnier Alone in the Dark. Sa réalisation de qualité, notamment ses décors et son ambiance sonore, contribuent grandement à l’immersion tandis que les morts définitives des personnages incitent plus que jamais à la prudence. Tout n’est pas parfait pour autant mais ses qualités ludiques compensent largement ses défauts techniques et narratifs.

Note finale : 7.5 / 10
Les commentaires
Le
Cool, bon à savoir :)
Le
Le côté horreur old school avec plan fixe donne envie, par contre j'ai aussi lu ailleurs que certaines énigmes étaient vraiment abusées, c'est dommage... Si je le trouve un jour à 10, 15€ je me laisserai tenter.
Le
Oui comme je le dis, sur les énigmes on n'a aucun indice ni aucune explication alors faut souvent tricher en regardant une soluce. C'est un peu dommage.

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