Test Persona 5

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PS4

Rarement une rentrée scolaire aura suscité autant d'attente... Capitalisant sur le succès d'un quatrième épisode décliné à toutes les sauces (une série animée, un remake, des jeux de combat et de rythme) et après six ans d'un long développement, Atlus nous livre enfin son fameux Persona 5. L'histoire d'un énième nouveau départ sur les bancs du lycée – à Tokyo, cette fois – en quête d'amitié, d'amour aussi, d'aventure, de souvenirs et surtout, de justice. Vaste programme d'une année assurément mémorable.

Les choses commencent pourtant mal pour notre avatar no name, accusé à tort d'un délit qu'il n'a pas commis. Une mention sur le casier judiciaire et le voilà considéré comme un délinquant aux yeux de la société. L'affaire embarrasse ses parents qui décident de le confier à l'ami d'un proche, à Tokyo, moyennant une pension.

Arrivé dans la capitale japonaise, le jeune homme se met à faire d'étranges rêves, pieds et poings liés dans une drôle de prison, où un certain Igor dit vouloir l'accompagner sur le chemin de sa « réhabilitation ». Mais comment ? Notre héros va le découvrir au fil d'amitiés nouées avec des camarades de lycée, eux aussi victimes d'injustice, et avec lesquels ils va former les « Voleurs fantômes ». Des alter ego héroïques, partis jouer à Inception avec l'esprit malade de leurs oppresseurs.

Persona non grata

Par rapport à Persona 4, le changement de ton est radical. Ici, on n'est plus le petit nouveau, neutre, accueilli avec toute la bienveillance du monde. Désormais, on est ce jeune gars, intriguant et à la réputation déjà sulfureuse (merci la rumeur et les réseaux sociaux), dont tout le monde se méfie comme de la peste. L'approche est originale, presque déconcertante, mais elle a surtout le mérite de donner un vrai sens à la quête de socialisation du héros. Pour « briser ses chaînes » et redevenir persona grata – la thématique centrale du jeu – il faut convaincre de sa bonne foi, tordre le cou aux idées reçues et balayer les jugements hâtifs... Persona 5 rappelle ainsi que rien n'est jamais acquis en ce bas monde, que les choses se construisent dans le temps et souvent dans la sueur. Assez loin, finalement, de la candeur générale du précédent volet...


Persona 5 est en quelque sorte l'épisode de la lutte, un appel à la rébellion. C'est le combat d'une adolescence brimée et bridée par la cupidité de leurs aînés. L'autre réalité souvent dépeinte par la série – ici, appelée le Metaverse – est désormais celle des désirs les plus sombres des adultes d'aujourd'hui. A savoir gloire, pouvoir et toute autre chose susceptible de flatter l'égo. Autant dire que la dénomination de « Shadow » n'avait jamais aussi bien porté son nom... Cette opposition très marquée entre les deux générations ouvre la série sur des thématiques plus lourdes et très contemporaines : corruption, harcèlement, racisme, etc. Persona 5 met les pieds dans le plat et surtout, il le fait avec brio.

Dans sa façon de dérouler l'intrigue, d'alterner moments de gravité et instants plus légers, l'écriture du jeu se montre une fois encore d'une justesse remarquable. Elle enrichit même sa palette, en donnant cette fois un peu plus de « corps » aux antagonistes, ainsi qu'aux personnages secondaires. Surtout, la narration a enfin gagné en rythme et en profondeur, grâce notamment à l'emploi du flash-back. C'est vrai, il y a toujours quelques petites longueurs – on pense aux 15 premières heures, très dirigistes – mais rien qui n'altère durablement l'intensité de l'aventure, passionnante de bout en bout.

Vis ma vie

Si le jeu propose plusieurs fins différentes, l'histoire n'en demeure pas moins linéaire. Et pourtant, Persona 5 offre au joueur une très grande liberté – « totale mais encadrée » (©) – dans sa façon de progresser. On le doit évidemment au rythme du calendrier scolaire – la touche Persona – où chaque journée se découpe en plusieurs phases de jeu : matinée, journée et soirée. S'il est rarement possible d'interagir durant la première, il appartient généralement au joueur de choisir comment il va occuper le reste de sa journée, en dehors des heures de cours. 

Bien entendu, la priorité est d'aller voler le trésor de chaque Palace, à savoir plonger dans l'esprit malade des antagonistes du jeu pour leur voler leur cœur. Loin des donjons monotones des précédents Persona, les Palaces de cet épisode proposent une architecture moins stéréotypée, plus irrégulière, avec aussi quelques énigmes. Rien de transcendant, mais largement suffisant pour varier l'exploration d'un étage à l'autre. Ce qui – les habitués en conviennent – n'est pas du luxe pour la série. « Voleurs fantômes » obligent, la discrétion est parfois exigée (sous peine d'une sortie prématurée) et impose donc de petites séquences d'infiltration via un système de couverture. A défaut d'être pleinement pratique (pas facile de décrocher d'une surface), la feature permet surtout d'avoir l'initiative au début des combats.

A l'image des donjons, le système de combat a lui aussi fait l'objet d'enrichissements notables, dans le but de varier davantage l'action. En effet, lorsqu'un Shadow/Persona est sonné (après avoir tiré profit de son point faible), il est désormais possible de parlementer avec lui pour obtenir au choix, son pouvoir, de l'argent ou un objet. Des phases dont la réussite dépend des choix effectués dans les dialogues, un peu à la manière des combats de Monkey Island (!). De leur côté, les Shadow sont maintenant capables de prendre un héros en otage et de demander une rançon. Si les négociations ne vont pas dans le sens de l'ennemi, le personnage passera inéluctablement l'arme à gauche...


Pour le reste, on retrouve les habituelles fusions de Persona et autres aptitudes combinées. Tout cela se développe une nouvelle fois par l'approfondissement des relations sociales du héros (nommées ici Confidants), qui constitue l'une des principales occupations hors du Metaverse. Plus qu'avant, des conditions doivent être remplies pour pouvoir espérer tirer le meilleur de ces liens, comme augmenter son charme, son courage... Des caractéristiques que l'on améliore toujours par le biais des très nombreuses activités annexes que proposent le jeu : lecture, bricolage, jardinage, soirées en salle d'arcade, etc. Persona 5 affiche, là encore, une richesse de contenu proprement vertigineuse. Presque frustrante même, puisque la journée défile au gré de chaque activité (même aller au lavomatic !). D'où l'intérêt pour le joueur de bien planifier sa journée ; ce qui fait encore tout le sel de cet épisode.

La maison du style

Plus riche et plus varié que ses aînés, Persona 5 est de facto bien moins monotone. Cette impression se voit également renforcée par le dynamisme indéniable de la mise en scène. En multipliant les artifices cosmétiques aux quatre coins de l'écran, avec une fluidité déconcertante et jusque dans ses propres menus (un régal), cet épisode affiche d'emblée une vraie personnalité, d'une classe visuelle juste étincelante. Avec ses gros contours et ses lignes incisives, la direction artistique colle une grosse mandale stylistique, sans qu'une telle profusion graphique ne vienne à aucun moment troubler la lisibilité. Elle insuffle aussi au jeu un mouvement, une dynamique très naturelle qui, tout de suite, retient l'attention du joueur. Mais pas la peine de vous en convaincre ici, les trailers s'en étaient certainement déjà chargés...

On en oublie aisément l'héritage PlayStation 3 du jeu, que certaines textures pas très propres ont encore du mal à masquer sur la génération de consoles suivante. Au-delà de ce constat, Persona 5 présente, dans sa réalisation, un degré de finition presque inédit de nos jours... Dans le bon sens du terme ! Pour ainsi dire, nous n'avons constaté aucun gros bug ni même l'ombre d'un ralentissement, de tout notre périple. Un confort de jeu très appréciable, d'autant plus en regard du temps nécessaire pour finir l'aventure (entre 80 et 100 heures). Ne manquent peut-être plus que des sous-titres en français pour, enfin, ouvrir la série à un plus large public. Car elle le mérite en amplement...


Pour en revenir une dernière fois à l'aspect esthétique, il faut tout de même souligner la grande cohérence de la proposition dans son ensemble. Du smooth jazz mélancolique de la vie urbaine aux riffs de guitare énervés durant les combats menés dans les Palaces, la partie sonore n'est pas en reste et offre un panel d'ambiances très intéressant. Ce n'est pas anodin si certaines des compositions de Shoji Meguro restent en tête, bien après avoir éteint la console. De la même façon, d'ailleurs, que l'on reste durablement marqué par ces journées, ces instants passés avec cette bande d'ados tourmentés, mais bien décidés à prendre leur destin en main et à vivre. On n'en attendait pas moins de Persona 5.

Notre verdict

On aime

  • L'esthétique flamboyante, jusque dans les menus
  • Un propos et des thèmes forts, racontés avec justesse
  • Le casting mémorable
  • Les musiques, qui restent longtemps en tête
  • Les donjons, enfin intéressants
  • Le système de combat qui fait le café
  • Tous ces détails qui forgent l'immersion
  • La cohérence de la proposition
  • La finition exemplaire
  • Avoir tant de choses à faire et si peu de temps...

On n'aime pas

  • L'absence de sous-titres français
  • Quelques textures bien cradingues
  • L'aspect infiltration, bof
  • Une entrée en matière qui peut rebuter

Indiscutablement, Persona 5 est l'aboutissement d'une formule. En retravaillant complètement la progression dans les donjons et en enrichissant ses systèmes de jeu par petites touches (combats et « social links »), cette suite se rapproche un peu plus du parfait équilibre recherché entre dungeon-RPG et simulateur de vie sociale. Ces améliorations rendent surtout l'expérience beaucoup moins monotone, en relançant régulièrement l'intérêt de l'aventure. C'est sans compter une proposition très pertinente et cohérente dans son ensemble, tant dans l'esthétique que dans le propos, d'une profonde maturité et abordé avec une justesse remarquable. Le tout, avec un degré de finition absolu et tellement rare de nos jours... S'il s'en donne encore le temps, comme ce Persona 5, le J-RPG a encore de beaux jours devant lui.

Note finale : 9.5 / 10
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