Test The Town of Light

Publié le par
PS4

Pour les individus sains que vous êtes sûrement, un asile psychiatrique est une escale que vous ne ferez probablement que dans des séries télévisées comme American Horror Story (saison 2) ou des films comme Vol au-dessus d’un nid de coucou. Pour d’autres cela représente une réalité quotidienne, une seconde prison en plus de leur propre cellule psychologique. Connaître ce genre d'établissement ne doit pas être facile tous les jours, surtout dans les années 30-40 où les soins étaient beaucoup plus rudimentaires qu'aujourd'hui. C'est sur le cas de ces malheureux que le studio LKA tente de braquer la lumière.

Visite de la ville lumière, de jour

Le pitch de départ est simple : visiter un asile psychiatrique abandonné pour découvrir ce qu’il s'y passait du temps de sa grandeur. Avec un tel synopsis « inspiré de lieux et de faits réels », digne d'un reportage vidéo truqué de Youtube, on est légitimement en droit de s’imaginer flipper à mort devant des portes qui claquent et des apparitions spectrales. Mais quand on comprend que la volonté du développeur italien est d'explorer les lieux par le prisme de l'humain, on se rend à l'évidence : The Town of Light ne sera pas une usine à jumpscares mais une expérience poussant l'empathie du joueur à l’extrême. Se déroulant en vue intérieure, l'aventure démarre dans les jardins aux alentours de l'asile de Volterra, en Toscane, un établissement existant réellement et reproduit ici avec une minutieuse fidélité. Il suffit de jeter un œil au trailer live-action du jeu pour le voir dans son état actuel de délabrement. Sans faire les présentations formelles avec notre personnage, nous découvrons par l'intermédiaire de ses pensées doublées en anglais et sous-titrées en français que nous sommes dans l'esprit de Renée, une jeune fille qui avait 16 ans lorsqu'elle fut internée dans cet établissement pour troubles mentaux. Toujours à la recherche de réponses aux questions qu'elle se pose sur son passé, la demoiselle nous fait déambuler dans les couloirs lugubres à la peinture écaillée.

Avec sa jouabilité réduite à l’extrême, The Town of Light n'offre que peu d'interactions : le bouton Croix pour observer un élément du décor quand le réticule change de forme, le même bouton pour agir sur des objets tels que les portes et les interrupteurs, le bouton Carré pour allumer une lampe de poche et le bouton Triangle pour parcourir le menu regroupant les chapitres, le journal, les souvenirs et les fiches médicales. Le principe est de mettre son nez partout pour fouiller tout un tas de documents d'archives (coupures de presse, rapports médicaux, lettres manuscrites…) et d'obéir aux désirs de notre hôte quand elle se (nous) dit d'aller dans telle ou telle zone du bâtiment. Malheureusement la taille de la police d'écriture est tellement petite que la lecture est fastidieuse, pour ne pas dire impossible selon la distance qui vous sépare de votre écran. Le bâtiment est labyrinthique, les couloirs se ressemblent tous, les portes sont souvent fermées, mais on peut heureusement se repérer sur les plans fixés aux murs et en pressant le pavé tactile afin que Renée répète sa dernière phrase indiquant notre destination.

Le moteur Unity est une nouvelle fois à l’œuvre avec les mêmes qualités et défauts : modélisation correcte des objets 3D à saisir, charmantes cut-scenes sous forme de dessins en noir et blanc contre frame-rate instable, clipping sur les buissons en extérieur et textures ternes. L’ambiance n'est pas à la joie mais plutôt à la dépression comme le veut le lieu. C'est donc une réussite d'une certaine manière mais en demi-teinte d'un point de vue technique.

Accroche-toi au pinceau, j’enlève l’échelle

Naviguant entre flashbacks, souvenirs, réinterprétations et découvertes, la narration a la fâcheuse tendance à perdre son téléspectateur / joueur pas forcément très concerné par le destin d’une anonyme entrée en psychiatrie en 1938. La confusion est volontairement entretenue (nous sommes dans un esprit dérangé après tout), si bien qu’on doute nous-même de ce qui est vrai ou pas, de ce qui est réel ou imaginé. Des bribes d'explications sont bien données dans les pages du journal intime de la dame, mais encore faut-il parvenir à mettre les mains sur ses huit parties. Comme pour planter définitivement les germes du doute, les chapitres 6 et 12 se livrent à un petit jeu de questions-réponses ouvrant d'autres embranchements scénaristiques selon nos choix pour autant d'explications potentielles. De quoi motiver les plus acharnés à refaire le jeu, même si le dénouement dramatique reste le même quoiqu'on dise.


On saisit bien la volonté des auteurs d'aborder un sujet grave, sensible, et d'alerter l'opinion sur les mauvais traitements subis par les patients parfois arrivés ici par hasard parce que la société ne savait pas quoi faire d'eux ou parce qu'aucun parent ne pouvait s'en occuper durant la guerre. La maltraitance physique, psychologique, les abus en tous genres, les privations : la prise de conscience est réelle, et il est difficile de ne pas faire preuve de compassion quand on assiste à l'insoutenable scène de fin de cette histoire, réelle, rappelons-le. Malgré ces bonnes intentions le choix d'un média interactif dédié au jeu comme le nôtre ne paraît pas toujours opportun. Le sujet traîne en longueur et les quinze chapitres paraissent interminables alors que le jeu doit se terminer après trois heures d'errance à peine. L'ennui pointe rapidement, on traîne des pieds dans les coursives sans possibilité de courir, on tourne en rond, on se perd, on s'égare, on ne sait pas trop ce que le jeu attend de nous par moment et puis soudain un flash et on débloque la suite. Dans le genre, Gone Home arrive beaucoup mieux à impliquer le joueur sans l'inonder de pages à lire, en étant plus synthétique, plus cloisonné, plus clair et plus actuel. En comparaison The Town of Light est une curiosité dérangeante, peu plaisante à jouer comme à regarder, et qui laisse un sentiment de malaise une fois terminé. Comment pouvaient-ils faire ça à l'époque ? Louée soit la médecine moderne !

Notre verdict

On aime

  • La volonté de sensibiliser sur un sujet lourd
  • Plusieurs embranchements scénaristiques
  • La fin bien dégueu

On n'aime pas

  • Textes trop petits
  • Impossible de courir
  • Pas très beau, pas très long (paraît le contraire !)
  • Le média peu adapté aux propos

Nouvelle aventure psychologique en vue intérieure, The Town of Light propose d’user les souliers d’une malade mentale revenant sur les lieux de ses tourments pour comprendre pourquoi et comment on a pu lui faire subir de tels outrages. Le thème est sérieux, le sujet est lourd, la scène de fin est violente mais pour y parvenir le jeu est un petit chemin de croix. Jamais amusant ni totalement compréhensible, cette expérience sans autocensure paraît plus longuette qu’elle ne l'est vraiment, preuve que le jeu parvient à partager avec le joueur la détresse qui émane de ses décors jaunis.

Note finale : 5 / 10
Les commentaires
Le
J'oubliais de préciser que le jeu est sorti en boite et en démat' pour 19.99 euros.

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