Après plus de huit ans de bons et loyaux services auprès des joueurs PlayStation, Nathan Drake s’apprête à tirer sa révérence au terme d’une aventure épique qui sera sans doute considérée, à raison, comme la quintessence de la série Uncharted : en allant chercher au plus profond des entrailles de la PS4, les petits gars de Naughty Dog font une fois de plus la démonstration de leur maîtrise technique et artistique, et parviennent à sublimer tous les aspects de leur saga fétiche. Que ce soit dans son scénario, sa narration, son gameplay ou sa réalisation, « A Thief’s End » atteint presque constamment l’excellence  et ravira les fans de bout en bout.

Au risque de gâcher l’une des surprises d’Uncharted 2 : Among Thieves à ceux qui n’ont découvert la série que récemment avec The Nathan Drake Collection, c’est dans une petite vie bien rangée au côté de sa femme Elena que nous retrouvons l’intrépide beau brun ténébreux. Ayant décidé de ne plus risquer sa peau après les évènements d’Uncharted 3 : L’Illusion de Drake, Nathan a troqué ses flingues et sa panoplie d’Indiana Jones pour un petit boulot de plongeur draguant les rivières, à la recherche de containers perdus dont son patron revend ensuite le contenu. Notre homme est si décidé à faire en sorte que son couple perdure qu’il va jusqu'à refuser une chasse au trésor au large de la Malaisie, certes illégale mais à laquelle il aurait pourtant autrefois cédé sans aucune réticence ! Bref notre cher Nate n’a apparemment plus grand-chose à voir avec l’aventurier qui avait fait les belles heures de la PlayStation 3 puis de sa petite sœur, mais  c’était sans compter sur les facéties du destin (ou des scénaristes de Naughty Dog !).

Ce qui va remettre Nathan sur le droit chemin (pour nous autres joueurs !), c’est la réapparition de son grand frère Sam qu’il pensait mort depuis 15 ans après une opération ratée dans une prison du Panama. Les deux frères ainsi qu’un certain Rafe Adler tentaient de mettre la main sur le trésor d’Henry Avery, un pirate renommé du dix-septième siècle, quand les choses se sont gâtées, conduisant à une chute en théorie mortelle de Sam. En réalité ce dernier avait survécu, mais avait été enfermé et tenu au secret jusqu’à ce que son codétenu, baron local de la drogue, lui permette tout récemment de s’échapper en même temps que lui. Seul petit hic, son supposé sauveur exigeait que Sam termine ses recherches et mette la main sur le trésor d’Avery afin de le lui remettre, sans quoi il serait traqué et tué. De quoi convaincre Nathan d’agir après quelques protestations peu convaincantes, mais en essayant de cacher la vérité à Elena : que les hommes mariés qui croient qu’une telle manœuvre peut fonctionner lèvent la main !

Et là, c’est le choc

N’y allons pas par quatre chemins, même si nous ne sommes pas des adeptes des grandes envolées lyriques : Uncharted 4 est une pépite, un joyau, une bombe, une tuerie, un chef-d’œuvre. Nous reviendrons dans un instant sur son gameplay qui, malgré son excellence, est sans doute l’aspect le moins révolutionnaire du jeu, mais il faut d’abord parler de ce qui ravira d’emblée n’importe quel joueur ou spectateur, à savoir sa prestation technique.

Que vous exploriez le fond d’une rivière ou celui de l’océan indien, le grenier d’une maison ou l’ancienne bâtisse d’un pirate, les ruines d’un château ou l’épave d’un bateau, vous serez forcément impressionné par le niveau de détails hallucinant atteint par les graphistes de Naughty Dog. Et l’on ne parle pas simplement ici des textures, toutes plus jolies les unes que les autres, des superbes jeux d’ombre et de lumière, des effets atmosphériques de toute beauté, ou même de la modélisation 3D des décors et des personnages. Non, ce qui laisse bouche bée, c’est le nombre incroyable de petits objets et d’animations secondaires qui donnent vie à tous les environnements traversés : que vous y passiez plusieurs minutes pour un puzzle ou une fusillade, ou seulement quelques secondes pour atteindre votre prochain objectif, tous les lieux que vous visiterez ont fait l’objet de la même attention pour vous plonger au cœur de l’aventure.

On aurait du mal à dresser une liste exhaustive des petites touches apportées ici ou là par les développeurs, qui engendrent un inévitable « Ah oui quand même ! » chez le joueur. Evidemment les classiques sont de la partie comme les nuées d’oiseaux qui s’envolent lorsque l’on traverse les vallées boueuses mais luxuriantes de Madagascar, ou encore les lémuriens qui grimpent le long des arbres. On pense aussi à la danse de la végétation sous le vent, déjà vue ailleurs mais ici parfaitement exécutée avec un nombre de plantes tout bonnement incroyable. L’eau n’est pas en reste, que vous la contempliez de loin, depuis un bateau, ou carrément en plongée : hormis les éclaboussures pas toujours tout à fait convaincantes, le rendu des rivières, des mers et de leurs fonds est saisissant.

Mais ce qui finira de convaincre même les plus réticents à la série, c’est en toute logique la distance d’affichage stupéfiante qui permet à Uncharted 4 d’offrir d’impressionnants panoramas dans ses environnements extérieurs : un peu à la manière des Dark Souls, vous apercevrez votre prochain objectif bien avant de l’atteindre. Une performance d’autant plus utile que ce nouvel opus offre des aires de jeu plus ouvertes que par le passé, avec la plupart du temps plusieurs chemins pour aller d’un point A à un point B : finie l’impression d’enchaîner les fusillades dans des zones restreintes et reliées entre elles par de simples couloirs, l’aventure prend ici une autre dimension.

Vous l’aurez compris Uncharted 4 est proche de la perfection technique, même si l’on déplore de temps à autre quelques ralentissements qui le font dévier de son objectif des 30 images par seconde (en 1080p tout de même !). Des accrocs suffisamment rares pour ne pas entacher l’expérience de jeu, mais qu’il convenait de mentionner. Histoire d’être totalement complet précisons que la bande son du jeu est elle aussi remarquable, comme toujours dans la série, avec de superbes compositions se faisant entendre au bon moment, des bruitages d’ambiance parfaitement adaptés, et des doublages en français de qualité.

Quelques grammes de finesse…

Côté gameplay, le nouvel agencement plus ouvert des niveaux a permis à Naughty Dog d’améliorer les phases d’infiltration pas toujours convaincantes du troisième opus, en s’appuyant sur le travail fourni pour le génialissime The Last of Us : plus souple d’utilisation, la furtivité devient une arme particulièrement efficace dont Nathan et ses amis devront user et abuser pour ne pas tomber sous les balles des très nombreux ennemis bien décidés à leur barrer la route. Tant que vous n’avez pas été repéré, vous pouvez vous glisser derrière l’un d’eux et l’éliminer d’un unique coup bien placé. Evidemment il faudra faire bien attention à ne pas rester trop longtemps dans le champ de vision d’un garde lors de vos déplacements, et utiliser l’environnement à votre avantage: se suspendre à une corniche permettra de se soustraire aux regards inquisiteurs, et s’accroupir dans les herbes hautes sera bien utile pour s’approcher des cibles ! Pour une meilleure planification de vos attaques, il sera sans doute judicieux de recourir au nouveau système de marquage des ennemis : visez l’un d’entre eux, appuyez sur L3, et la cible sera surmontée d’une petite flèche visible en permanence, même lorsque le garde passe derrière des obstacles.

Autre similitude avec The Last of Us, notre héros sera la plupart du temps accompagné comme Ellie suivait Joel. On retrouve d’ailleurs le même phénomène dans l’intelligence artificielle, à savoir que vos ennemis ne peuvent repérer vos partenaires même si ceux-ci se baladent directement sous leurs yeux : irréaliste, mais salvateur pour les nerfs du joueur ! Bien sûr, les choses redeviennent plus normales lors des fusillades, même si l’on a parfois l’impression que les adversaires s’acharnent plus sur notre personnage que sur ses amis.

Pour en revenir aux aires de jeu semi-ouvertes parcourues durant l’aventure, sachez que celles-ci seront l’occasion de piloter différents véhicules, jeeps ou bateaux. Le treuil du 4x4 pourra servir à détruire des constructions en bois ou à accrocher le véhicule à un arbre pour monter des pentes glissantes, tandis que votre embarcation vous permettra d’atteindre rapidement plages cachées et zones de plongée. Bien sûr ces véhicules offriront aussi des séquences 100% action dont certaines ont déjà été dévoilées au travers de trailers.

Toujours au rayon des nouveautés de cet Uncharted 4, le grappin fait office de couteau suisse servant aussi bien à vous déplacer qu’à résoudre de petites énigmes : il vous permettra non seulement d’escalader des parois ou de franchir d’inquiétants précipices façon Tarzan, mais aussi d’attirer à vous la caisse qui vous permettra ensuite de franchir un mur trop élevé pour un simple saut. Signalons aussi la présence de nombreux plans inclinés propices à de dangereuses glissades conduisant généralement tout droit à une chute vertigineuse : soyez vigilants et sautez (Croix) ou utilisez votre grappin (L1) au bon moment pour ne pas terminer comme une crêpe ! Les fans d’acrobaties seront sans doute aux anges en apprenant que certains passages enchaînent les manœuvres dangereuses, apportant un peu de piquant aux séquences d’escalade par ailleurs assez tranquilles. A noter tout de même d’occasionnels petits soucis pour passer lors de ces phases d’un point d’accroche à un autre si la caméra n’est pas correctement orientée.

Evidemment vous passerez un temps non négligeable l’arme à la main face à des cohortes d’ennemis aussi bien voire mieux équipés que vous. Ces fusillades sont semblables à celles des précédents volets de la série, avec système de couverture, passage rapide d’un muret de protection à un autre, et tirs à l’aveugle. Ceci étant vous devrez ici prendre garde aux éléments de décor destructibles qui ne pourront servir que temporairement d’abri, la bonne nouvelle étant que le grappin vous permettra de vous déplacer rapidement dans certaines zones de combat. Le corps-à-corps tient aussi une place plus importante que par le passé, avec certains affrontements se déroulant obligatoirement à mains nues dans un petit jeu façon QTE sympathique mais forcément un peu basique.

Côté puzzles Naughty Dog nous a encore concocté quelques séquences mettant nos neurones à l’épreuve, mais vos partenaires seront là pour vous fournir de précieux conseils s’ils constatent que vous bloquez. Au pire, le jeu vous proposera de recourir à un indice qui vous mettra obligatoirement sur la bonne voie !

Il nous aura fallu en tout une petite quinzaine d’heures pour boucler en difficulté normale le prologue, les 22 chapitres et l’épilogue de cette extraordinaire aventure. Un temps de jeu qui sera sans doute doublé si vous souhaitez mettre la main sur les 190 objets cachés (nous n’en avions qu’un petit quart sur notre run), et triplé pour décrocher le trophée de platine. A noter que ces objets vous permettront ensuite de débloquer divers bonus tels que de nouvelles skins pour les personnages principaux, des armes, des filtres graphiques, des modificateurs de gameplay (monde miroir, ralenti, pas de gravité, munitions infinies, audio déformé…) et des artworks : de quoi revivre l’aventure une seconde voire une troisième plus sereinement !

Avant de passer à la partie multijoueurs du jeu, il convient de préciser que nous avons passé sous silence nombre de ses aspects qui en font un incontournable de la PlayStation 4 et plus généralement du petit monde vidéoludique : Sony nous a certes demandé de ne pas mentionner certains points du scénario et quelques séquences de gameplay, mais nous n’aurions de toute façon pas osé vous gâcher la surprise de la découverte. Sachez seulement que les fans seront heureux d’en apprendre (beaucoup) plus sur le passé de Drake, et évidemment de découvrir la conclusion de la série même si, comme souvent, certains rebondissements se flairent à des kilomètres.

…dans un monde de brutes !

Une fois retournée dans tous les sens la campagne solo du jeu, vous tenterez vraisemblablement votre chance du côté du multijoueurs compétitif dont le didacticiel très complet vous permettra d’en assimiler rapidement toutes les subtilités. Il s’agit à vrai dire d’un mode de jeu à part entière baptisé Epreuves dont chaque exercice, disponible en trois difficultés, se focalise sur un aspect particulier du gameplay : le matériel, les complices et les mystiques.

Rien de très surprenant au niveau du matériel  dont les cinq items de base sont le pack de ranimation, la grenade, la mine, le C4 et la bombe fumigène : ils peuvent être utilisés près de notre personnage avec R1, ou bien lancés avec L2+R1. Plus amusants, les complices sont des personnages contrôlés par la console auxquels vous faites appel pour se battre à vos côtés sur le champ de bataille : le sniper sera statique et défendra sa position, le sauveur ranimera les joueurs tombés au combat et distribuera des munitions, le colosse mettra à votre service sa grosse puissance de feu, et le chasseur traquera l’ennemi le plus proche pour l’éliminer. Enfin, les mystiques jouent sur la dimension surnaturelle de la saga et vous permettront de profiter des pouvoir de l’Eternité d’Indra (création d’une zone dans laquelle les ennemis sont ralentis), de la Pierre de Chintamani (ranimation de tous les partenaires mis KO dans la zone), du Bâton d’Ayar Manco (localise tous les ennemis sur la carte), de l’Esprit de Djinn (vous pouvez vous téléporter sur de courte de distance mais pas vous mettre à couvert), et de la Colère de l’El Dorado (des esprits poursuivent vos ennemis pour les attaquer). A noter que si le matériel nécessite un simple temps d’attente entre deux utilisations successives, les complices et les mystiques sont eux à usage unique et doivent être achetés dans le magasin in-game du jeu.

En effet, chaque action réalisée en cours de jeu (tuer un ennemi, récupérer un trésor caché, ranimer un partenaire…) vous rapportera des dollars utilisables immédiatement dans le dit magasin : mettez-vous à couvert (c’est plus sûr !), appuyez sur le pavé tactile de la DualShock 4, et vous pouvez immédiatement faire évoluer votre équipement pour augmenter sa puissance et réduire les temps de rechargement, ou bien acheter des complices et des mystiques.

Une fois tous ces aspects du jeu maîtrisés, et même avant pour les plus braves, vous pourrez enfin vous mesurer à d’autres joueurs sur la toile. Votre première action consistera à choisir l’une des classes prédéfinies (Assaut, Assistance, Chargeur, Tactique, Reco, Courte portée) qui dictera votre équipement, ou bien à créer votre propre combinaison d’armes. Vient ensuite le choix du personnage avec cinq options au départ (Drake, Sully, Elena, Sam, Lazarevic) et trois à débloquer par la suite. Quatre modes de jeu s’offrent alors à vous : Match à mort en équipe (5 vs 5), Match à mort en équipe classé (5 vs 5), Pillage (4 vs 4) et Commandement (5 vs 5). Si les deux premiers ne nécessitent pas d’explication particulière, les deux derniers méritent que l’on s’y attarde un instant. En mode Pillage, une idole apparaît sur la carte que vous devez récupérer puis ramener à votre camp : l’idée de base s’apparente donc à une capture du drapeau, mais il est ici possible à tout instant de transmettre l’objet à un partenaire. Le mode Commandement se rapproche quant à lui du classique mode Conquête puisque vous devrez capturer et défendre des sites pour engranger des points. La subtilité est que le joueur de chaque équipe ayant engrangé le plus de points en devient le capitaine, et bénéficie de bonus (items moins chers dans le magasin in-game, ranimation des partenaires accélérée, résistance accrue). En contrepartie il est plus visible auprès des ennemis, et devient donc une cible de choix !

Du côté des matchs classés, chaque victoire vous rapportera des points mais chaque défaite vous en enlèvera : une fois atteint le total requis, vous entrerez dans une phase de Qualifications qui vous imposera de gagner un nombre fixé de matchs à venir. Réussir le défi vous permettra de monter de rang (de Bronze III à Diamant I), mais échouer nécessitera que vous repreniez depuis le départ pour atteindre à nouveau les Qualifications. A titre d’exemple, une fois qualifié, un joueur Bronze I doit gagner trois des cinq matchs qui suivent pour passer Argent III.

Quel que soit le mode de jeu choisi, vos victoires en match vous rapporteront régulièrement des reliques, une autre monnaie du jeu qui elle vous permettra d’acheter des coffres au contenu aléatoire et de débloquer des améliorations de votre personnage. N’hésitez pas à tenter votre chance dans les défis quotidiens pour en accumuler plus rapidement ! A noter aussi la présence des Points Uncharted, achetés avec de l’argent bien réel, qui eux vous permettront d’acheter des modifications d’ordre cosmétique pour votre avatar. Que les allergiques aux micro-transactions se rassurent, tout ce que ces points permettent d’acheter peut être débloqué simplement en jouant !

Sans surprise étant donné le level design de la campagne solo du jeu, les huit maps disponibles en multi font la part belle à la verticalité. Il faut dire que le grappin est ici aussi de mise, si bien que les attaques peuvent être lancées du sol comme des airs. La furtivité peut aussi servir en arrivant dans le dos d’un adversaire pour le mettre KO, mais la manœuvre est extrêmement risquée si l’équipe adverse fait preuve d’une bonne cohésion.

Autant être honnête, nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour explorer à fond la composante multijoueurs du jeu : entre le nombre limité de sessions (seulement cinq), leurs horaires pas toujours compatibles avec notre emploi du temps, et l’annulation apparente de certaines d’entre elles (impossible de jouer hier soir entre 19h et 22h !), nous avons à peine effleuré l’offre de Naughty Dog pour cet ultime opus. Ceci dit les quelques parties jouées témoignent d’un gameplay dynamique soutenu par une animation en 60 images par seconde parfaitement adaptée au genre, même si la résolution est moins fine qu’en solo (900p ici contre 1080p dans la campagne), et les environnements moins impressionnants. Mais lorsque l’on sait que tout le contenu additionnel prévu pour les semaines à venir sera gratuit, on se dit que le multi d’Uncharted 4 devrait trouver sans mal son public !